Performance qui se situe entre la chorégraphie et l’installation artistique, Park invite le public à « visiter » une série de scènes de la vie d’Adina. Passant à travers les pièces d’une maison imaginaire, on découvre petit à petit une femme sous l’emprise de ses rituels journaliers, sous la dictature d’appareils domestiques et d’actions apparemment absurdes. Grâce à leur répétition réconfortante et à ce qu’ils suggèrent d’ordre et de devoir, les simples rituels quotidiens peuvent être la source d’un sentiment de sécurité et de bien-être, mais la violence de leur banalité peut aussi mener à la terreur.
Une pièce qui questionne les enjeux du corps dans l’espace, comme lieu clos. Une posture fixe représentée par des séries d’installations où le corps, lié aux détournements des objets, agit dans un mouvement de continuité non-productive et de banalisation du quotidien. Questionnement sur le corps-machine relégué à la place unique, Park propose également une décontextualisation de la sphère domestique, qui place le spectateur dans la situation d’éprouver la dimension volontairement restreinte, le caractère explicitement dérisoire de l’occupation fragmentaire de l’espace et du temps.
«Les tableaux vivants que j’ai eu l’occasion de présenter jusqu’alors sont autant de processus successifs, mettant en scène un personnage de femme. Privée de nom propre, Adina est cette fiction qui m’a permis d’interroger successivement différentes postures de femmes, à travers de multiples explorations corporelles. Les premières étapes qui ont scandé ma recherche m’ont conduite à interroger la dimension du rituel, quotidien et ordinaire, qui correspond aux effets du contrôle social exercé sur des corps de femmes, et inscrits en elles. Femme d’intérieure, mais aussi femme « privée » (au double sens du terme), le personnage d’Adina est présenté chaque fois en tant qu’il est perpétuellement confronté à une impossibilité absolue de toute forme d’échanges. Assigné à une résidence - à la fois temporellement et spatialement – le jeu de contraintes précises imposées à ce personnage placent chaque spectateur dans la situation d’éprouver la dimension volontairement restreinte, le caractère explicitement dérisoire d’occupation fragmentaire de l’espace et du temps : Adina est là, occupant selon une modalité délirante une portion de l’espace où elle intervient. Cet espace, dans son ensemble, reste vide, permettant une liberté de circulation qui contraste objectivement avec l’empêchement spatial auquel elle est confrontée, du fait du dispositif dans lequel je la mets en scène. C’est en effet un espace-temps en proie à un mouvement soudain de panique ineluctable que je tente de présenter. Et d’une violence qui me semble être celle du banal, mais d’un banal alors réalisé dans le temps exact de son accomplissement, de son action, et implacablement soumis à son propre affolement. Ce n’est que par le fait d’une présentation publique, par le jeu de la performance, qu’une adresse faite à d’autres (spectateurs) peut enter en jeu. Femme-usine et gardienne aliénée du foyer (lieu- tenante), Adina me permet ainsi de procéder à une décontextualisation de la sphère domestique, et de sa réinscription dans un espace de représentation. Grâce à la mise en place d’installations, de dispositifs divers permettant chaque fois de dégager ce qu’il en est des règles multiples, obligations et autres obédiences liées à la violence qu’exerce irrémédiablement toute culture, c’est l’instrumentalisation du corps féminin en tant que tel que je tente d’approcher diversement. Mais toujours au terme d’activités publiques en forme de parcours, et qui visent à une réappropriation singulière des points de départ de mon travail, me permettant de tenter d’introduire des écarts critiques, directement perceptibles par le public.»
Claudia Triozzi
Je voulais rencontrer une femme qui avait travaillé à la SEITA de Pantin. Une manufacture de tabac qui ferme en 1982. qui sait... Lancé à la recherche d’un visage , mon corps devient performatif même en dehors de la scène. Ce n'est pas toujours simple. Il y va pourtant d’une énergie, d’un désir à la fois intellectuel, cérébral, mais aussi profondément intégré au corps. Cela tient de la nécessité. Tous ces gestes qui préparent la rencontre tout en restant en dehors du plateau sont essentiels, même si apparemment ils s'éloignent de l'acte artistique. Je suis moi-même engagée dans une dynamique de dépassement de compétences, presque un autre métier, l’interview , je me mets dans un endroit à partir duquel je peux atteindre ces personnes. Claudia Triozzi SEITA Pantin 1981-1982 Photographies auteurs: Trovel Pierre et Texier Jean auteur: remerciement Marc Chabanne, Association Mémoires d'Humanité